VOILE, 6.50 : LE MAGNUM ET SON ÉTRAVE JUMBO
A La Rochelle, devant la plage et le Phare du bout du monde (Photo F. AUGENDRE)
Je me suis attelé ce week-end à la réalisation d'une nouvelle galerie pour mes images, mieux organisées et mises en valeur sur la plateforme Photoshelter. J'ai provisoirement ouvert cette galerie par un reportage sur Magnum, un petit voilier franchement surprenant dessiné par son skipper, David Raison, pour participer à la mini-transat et aux autres courses de la classe 6.50 (pour 6,50 m de longueur de coque).
Je ne sais trop ce qui m'a fait choisir d'emblée vers cette collection d'images en particulier, peut-être la lumière qui baignait cette fin d'après-midi rochelaise, pendant le salon nautique à flot du Grand Pavois, lorsque nous sommes sortis avec le Magnum pour un article de Voiles et Voiliers. Au photoclub de Palaiseau, nous définissons ainsi une (bonne) photo : la combinaison d'un sujet, d'un instant, d'une lumière et d'un oeil (celui du photographe). Je suis au moins sûr, avec cette série-là, d'avoir placé assez haut deux des critères de résultat.
Brumisateur d'étrave dans le soleil couchant (Photo F. AUGENDRE)
La lumière était donc magique, et le sujet ne laisse pas indifférent. Le Magnum, ainsi baptisé pour sa ressemblance avec un certain esquimau glacé, ne s'apparente à aucun autre bateau de course au large. Avec cette étrave sans égale (péniche, jumbo jet ?), David Raison a voulu un voilier ultra-puissant pour sa taille, capable de porter plus de toile que ses concurrents, et plus longtemps (lorsque la brise monte et que les petits copains réduisent la voilure).
La stabilité latérale d'un bateau (les navigateurs parlent de raideur à la toile) dépend pour l'essentiel de deux facteurs : le poids du lest (qu'il soit placé dans la quille aussi bien que sur les côtés du bateau, par exemple lorsque l'équipage est assis au rappel); et la largeur de la carène. A la gîte, le voilier s'appuie sur l'extérieur de la coque, et plus celui-ci est éloigné du centre de gravité du bateau, plus le bras de levier du lest est important.
Il n'y a pas que le numéro 747 pour évoquer le nez d'un Boeing (Photo F. AUGENDRE)
CQFD : à poids égal, autant avoir un bateau aussi large que possible (ceux qui commencent à caler pourront réviser leurs cours de physique de seconde) ... pourvu que le gain de puissance permette d'emmener plus vite une coque présentant une surface de contact avec l'eau (et donc un frein) bien supérieure.
Voilà pourquoi les bateaux de la mini-transat, ou ceux du Vendée Globe, réglementairement bloqués dans leur longueur mais pas dans leur largeur, ressemblent vus de l'arrière à des plats à barbe, des coupes de champagne, des pelles à feu, voire des tapettes à maquereaux, selon le mot d'Halvard Mabire, navigateur aussi fameux pour ses bons mots que pour son talent sur l'eau.
Mais si tout le monde dessine large aujourd'hui, David Raison a voulu aller encore plus loin, en appliquant ce principe de largeur extrême sur toute la longueur de son bateau, là où les autres voiliers se rétrécissent jusqu'à l'étrave.
Et cela marche, du feu de Dieu, même. Lors de notre essai à La Rochelle, le Magnum déposait à toutes les allures le Mini 650 n°719, de Nicolas Boidevezi, qui nous servait de référence. La question à laquelle il manque encore une réponse, c'est le comportement face à une mer hachée. En réalité, Raison n'a rien inventé, il s'est inspiré des fameux scows (un exemple ici) qui affichent des performances impressionnantes … sur plans d'eau intérieurs.
La référence et le trublion, bord à bord ... pour pas longtemps (Photo F. AUGENDRE)
Jusqu'alors, le Magnum n'a pas terminé une course, il a toujours abandonné sur casse matérielle. Il est vrai que le bateau a été construit et équipé hyper-light (plus le bateau est globalement léger par rapport à son poids de lest et … plus il est puissant). Même un peu plus costaud, serait-il capable d'affronter la haute mer ?
Certains architectes, sans aller à de telles extrémités (si j'ose dire), ont commencé ces derniers temps à mettre plus de volume dans les formes avant des bateaux de Vendée Globe, et de l'avis des skippers comme Michel Desjoyeaux ou Vincent Riou, ces voiliers tapent énormément dans la vague, sollicitant fortement le matériel, et les hommes. L'architecte du Magnum dé-Raisonne-t-il ? Si la voie qu'il tente de défricher finissait par s'avérer pertinente, nos voiliers devraient sacrément changer d'allure dans les années à venir... Toutes les images du Mini n°747, dit Magnum, sont visibles sur ma galerie.
V&V de décembre 2010, avec mes images et celles de Thierry Martinez et Christophe Breschi
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